Louis Michel (1906-1944), Bagimontois savant
Voici tel quel un extrait de sa nécrologie, suite à sa mort par accident de guerre en 1944.
On pourra apprécier et le style et le sieur.
« Aux membres de la Société belge de Philologie et d’Histoire qui, depuis 1929, ont rencontré Louis Michel à chaque séance, il est peut-être bien inutile de le présenter. Il suffit de se recueillir pour le revoir, dans une salle de réunions, un peu en oblique, se retenant du coude au dossier de sa chaise, les jambes croisées, écoutant, l’œil fixe, l’exposé d’un ami ou intervenant dans la conversation, la tête relevée, sa main longue et blanche tendue ou s’agitant en saccades. Son large front, nous le revoyons, encadré d’une chevelure noir-geai, dominant deux yeux profonds ; ses lèvres fines et nerveuses, son menton anguleux, la pâleur de sa face, son sourire fréquent dégageaient une loyauté, une clairvoyance et une bonté sans réserves. C’est vers Michel que l’on était attiré lorsqu’apparaissait au milieu de nous sa haute silhouette ; nous nous arrêtions pour répondre à l’énergique étreinte de sa main, pour regarder de bas cette figure spontanément souriante. L’évoquer nous console à peine ; nous avons le cœur serré à la pensée que jamais plus nous ne le reverrons. C’est cet ami que, stupidement, un engin lancé sur un train a terrassé, le soir du 19 juillet 1944. La guerre vengeresse mais aveugle, sans regret, lasse de tuer, annihile biens et corps, ravit les âmes pêle-mêle, dédaigneuse des douleurs.
Il était né le 31 juillet 1906, à Bagimont, dans une enclave de la province de
Luxembourg, à l’est de Bouillon. C’est un village bien à l’écart, une des
cinq communes de dialecte champenois appartenant jadis au comté de Rethel,
orientée plutôt vers les Ardennes françaises que vers la Belgique.
Son parler est plus français que ceux de l’est. Aussi, Louis Michel, fils, petit- fils
et arrière petit-fils d’instituteurs, pratiqua dès l’enfance le français,
mais il connaissait de son patois toutes les nuances et il le parlait avec vivacité.
Le jeune Louis fréquenta le collège de Bouillon, puis, à partir de la quatrième, le Collège de Bellevue à Dînant. C’est là qu’il se forma surtout. Le régime des études y était excellent, quoiqu’un peu suranné à cause de son supérieur trop vieux dans un monde trop jeune. De Bellevue il vint à Louvain, en 1924. Il commença simultanément la philologie classique, la philologie romane et la philosophie à l’Institut Supérieur St. Thomas d’Aquin. A la fin de la candidature, il dut opter et, malgré ses professeurs Carnoy et Remy, il préféra la philologie romane, séduit surtout par le caractère « actuel » de son objet et par le prestige du maître Alphonse Bayot. Il poursuivit en même temps la philosophie thomiste jusqu’à la licence, qu’il acheva en 1927. »
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