Les Bagimontais aiment se retrouver pour faire la fête.
En août, depuis quatre ans, à l’occasion de l’anniversaire d’Eliane, une habitante depuis toujours. A la Saint-Sylvestre, depuis deux ans, à minuit devant l’église. Avec des bulles. Et aussi en juin, à la saint Jean, depuis cette année.
C’est beaucoup de fêtes pour un si petit village ? Mais non. Au Moyen-Âge, les fêtes étaient fréquentes dans les villages : hors les dimanches, une cinquantaine par an, avec interdiction de travailler sous peine d’amende.
Bagimont inventera donc encore d’autres occasions de casser l’écoulement des jours ! Pour traverser l’hiver, survivre aux jours de pluie, célébrer le printemps. Ou bien pour les Rois Mages, le brame du cerf, la naissance d’un nouveau Bagimontais (Salut Cyprien !), les septante ans d’un autre….
Aux fêtes de Bagimont se retrouvent résidents et non-résidents ainsi que des proches. La fête resserre les liens : l’avant et l’après-fête – monter et démonter les tonnelles, installer tables et chaises, les replier … – et la fête elle-même. Et à Bagimont, pour que les réjouissances ne soient pas une charge, c’est l’auberge espagnole : chacun amène à boire et à manger. On met en commun le tout, cela rit beaucoup et se termine tard. Chants, danse, accordéon et guitares. Comme dans la dernière image des Astérix.
Tirer le portrait des Bagimontais
L’idée lui était venue en octobre. Il lui fallut huit mois pour la réaliser. Lui, c’est le photographe. Etienne.
Une idée simple. Tirer le portait des habitants de Bagimont. Laver les ombres. « Laver les ombres, en photographie, signifie mettre en lumière un visage pour en faire le portrait.« (Jeanne Benameur).
Des portraits en gros plan. Sans sourire de convenance. Une certaine gravité pour tenter de saisir un peu de vérité de l’être, sa conscience du temps et de la fragilité de la vie.
Une inspiration, un guide : les portraits du Fayoum
Et puis, tous ces portraits, les rassembler en un lieu. Pour afficher, aux yeux de chacun, l’existence d’une communauté.
Bon, la réalisation fut moins simple. L’idée – loufoque et, au début, floue – effrayait certains. Cela a jasé. Et puis peu à peu, les photos ont été prises. En extérieur, en intérieur ; c’eût été plus simple en studio. Mais l’improvisation des séances de prise de vues – parfois magiques, toujours patientes – étaient l’occasion de se rencontrer, de tenir une vraie conversation. Avant de se livrer en confiance à l’objectif.
Fin juin, vingt-quatre portraits étaient tirés. Un refus, un seul, et un oubli : un couple de résidents trop discrets… Excuses.
Tous ces portraits ont alors été passés en noir et blanc. Un long labeur de retouche pour corriger les difficultés d’éclairage. Puis l’impression par un atelier sur papier baryté. Photo par photo. Ensuite l’encadrement dans un passe-partout ajusté. Du travail manuel. Une marque de respect.
Le 2 août, les vingt-quatre portraits étaient accrochés au murs de l’église. Et dévoilés au sortir de l’apéritif de la fête.
Que dire des réactions ? Tout le spectre.
La colère de celui qui ne se reconnaît pas et qu’il faut calmer – Mais c’est vraiment toi ! Et tu es superbe.
La moue de celle qui se trouve vieillie, Tu trouves ? Tu as pourtant un vrai regard.
Le contentement de celui qui se trouve pas mal, hein !
L’émotion de revoir celle qui est maintenant loin, partie seule un midi, avec de grands gestes de la main à celui qui la regardait de sa porte.
Des compliments de certains pour la justesse des expressions.
L’émerveillement d’autres, pour l’idée et le silence de ces vingt-quatre photographies accrochées au mur de l’église, un soir d’été de 2014.
Peu importe ! Vingt-quatre portraits tirés et rassemblés. Les habitants réunis.
Dans dix ans, le loufoque se sera évaporé. Il restera l’étrangeté d’un moment où le temps fut saisi. Avant de disparaître à jamais.
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Portrait du Fayoum, Louvre
D’autres portraits
photos : eb
